La flûte de Pan, cet assemblage mythique de tubes en bambou ou en roseau, fascine depuis des millénaires. Et pour cause : il doit son nom à une légende grecque vieille de 2500 ans, qui continue d’influencer notre écoute. Cette flûte, venue du fond des âges, est également l’un des instruments les plus fascinants et émouvants. Qu’on l’appelle syrinx, naï ou zampoña, elle s’invite dans des répertoires aussi variés que ses timbres. Et si elle a longtemps été reléguée aux musiques traditionnelles, elle fait l’objet d’un engouement massif depuis quelques années. Des millions de personnes se laissent envoûter par son chant envoûtant et entrelacé. On peut difficilement trouver un son plus hypnotique. Comment un instrument aussi simple peut-il produire un son si riche ? Pourquoi la flûte de Pan a-t-elle été oubliée dans notre imaginaire collectif ? Et où peut-on l’apprendre aujourd’hui ?
Origine mythique de la flûte de Pan : le résumé éclair
Le récit n’est pas seulement ancien, il est indécent d’actualité : imaginez une vallée d’Arcadie, la lumière crue sur les pierres, des cigales gorgées d’éther. Là, Pan – mi-homme, mi-bouc (et franchement mal peigné selon les mosaïques) –, épris de la nymphe Syrinx, la poursuit. Syrinx supplie Artémis puis ses sœurs nymphes de la sauver de ce désir pantelant. À l’ultime instant, elle se métamorphose en roseaux alignés sur le bord du Ladon. Pan, furieux ou transi (les versions divergent), coupe ces tiges et souffle dedans : la première syrinx résonne.

Qui sont Pan et Syrinx ? La métamorphose fondatrice
« Elle voulait crier, mais sa voix n’était plus qu’un souffle rauque ; ses bras s’allongeaient en cannes flexibles… »
— Ovide, Métamorphoses. Soyons clairs : on ne sort pas indemne d’une telle transformation– ni Syrinx, ni ceux qui croient que la polyphonie antique s’arrête à la lyre ! Ce moment précis donne naissance à l’idée du polycalame : chaque tuyau serait un souvenir vibratoire du corps déchiré de Syrinx.
Anecdote : en Arcadie, un vieux berger soufflait dans une flûte bricolée avec des tubes d’irrigation, marmonnant « c’est pour chasser les ombres ». Une preuve que la frontière entre mythe et quotidien reste floue. Hermès aurait souri.
Pourquoi cette légende façonne encore notre écoute aujourd’hui
La légende ne s’effrite pas dans les vitrines muséales. Elle façonne même nos oreilles modernes – et nos ateliers ! Facteurs et musicologues hantés par Ovide s’obstinent à fabriquer des flûtes à nombre impair de tuyaux (sept ou neuf), censés capturer l’essence brisée de Syrinx. André Schaeffner – dont l’obsession méthodique faisait fuir même ses étudiants – a démontré que ce schéma mythique influence encore le geste du luthier contemporain.
La croyance que tout cela n’est que fable… relève d’une ignorance crasse : la facture instrumentale plonge toujours ses racines dans le limon du récit mythique. La route vers l’histoire matérielle commence ici.
De la grotte à la scène : 30 000 ans d’histoire sonore
Préhistoire : os creux et premiers polycalames
La poussière du temps, je l’ai sentie sur ma langue dans les réserves du British Museum, en soulevant les fragments d’une flûte de pan préhistorique. Os d’oiseau poli – le bout porte encore une trace brunie où le souffle a insisté. Les plus anciens exemplaires, datés entre 30 000 et 40 000 ans (Ukraine méridionale, Cova de l’Or en Espagne), exhibent plusieurs tubes juxtaposés, percés parfois de trous minuscules qu’aucune plume moderne n’égale. Souffler dans ces vestiges, c’est convoquer un bruit de vent fossile – ni mélodie ni cri, mais une sorte d’éveil minéral. Soyons clairs : qualifier ces objets de « jouets » comme on le lit parfois relève du sacrilège archéologique.
Grèce antique et Rome : de la syrinx à la fistula
Syrinx chez les Grecs, fistula chez les Romains – cette alternance n’est pas anodine ! La syrinx demeure associée à Pan et au monde sauvage, tandis que la fistula glisse vers les cultes bacchiques ou cybéliens (Bacchus, Cybèle, Attis). Sur une fresque du Musée Archéologique de Naples, un jeune faune brandit sa syrinx penchée ; les tuyaux sont inégaux, allusion directe au chaos du désir mythologique. Ce détail iconographique me fascine : l’instrument y est autant offrande rituelle qu’arme contre l’ennui pastoral.
Moyen Âge européen : instrument pastoral et symbole chrétien
La flûte de Pan migre dans l’imaginaire chrétien par effraction douce ; récupérée par l’Église qui en fait un symbole du bon berger. Dans un cloître roman du Périgord – silence bleu sous les arcs –, un chapiteau montre David tenant une flûte étrange : sept tuyaux ligaturés. Anecdote entre deux silences : j’ai soufflé là-bas dans un double pipeau pour provoquer l’écho des pierres… Un moine m’a dit mi-agacé mi-amusé « il ne manque que le psaume ! ». Ici la mythologie païenne s’infiltre par le souterrain des sons sacrés.
Diasporas et redécouvertes au XXᵉ siècle
Au XXᵉ siècle surgit une fièvre panique (le mot n’est pas trop fort). Gheorghe Zamfir réinvente la virtuosité roumaine et impose la flûte de Pan sur scène internationale – jusqu’à Hollywood ! Des facteurs comme Philippe Girod ou Éric Massenat osent hybrider roseau traditionnel et matériaux modernes. Résultat ? L’instrument explose hors des terroirs pour devenir icône pop planétaire. Ce n’est pas anodin : jamais autant d’individus n’ont revendiqué le droit ancestral de souffler dans une polycalame.
Cartographie mondiale des flûtes de Pan

Amériques : zampona, siku et antara andines
La flûte de Pan dépasse largement le folklore andin moderne. La zampona (ou siku en Aymara ; antara chez les Quechuas) est un pilier musical depuis des millénaires sur l’Altiplano. Cet instrument collectif – au sens strict : deux musiciens alternent les notes pour tisser la mélodie, lors des fameuses sikuriadas – n’a rien d’un accessoire folklorique ! Chaque communauté module la taille, le nombre de tuyaux (entre 13 et 15 par rangée), l’accordage selon les saisons ou rituels agricoles. Les zamponas sont fabriquées en roseau ou en canne locale, et non en plastique jetable — une réalité que seuls ceux ayant visité un atelier d’Ayacucho peuvent pleinement comprendre.
Europe de l’Est : le naï roumain et moldave
Le naï roumain (orthographe fluctue selon le village) se distingue par sa courbure caractéristique, facilitant une virtuosité redoutée – qui s’étale sur trois octaves complètes ! Instruments généralement fabriqués en bambou ou roseau, ils sont accordés chromatiquement grâce à de la cire ajustée au fond de chaque tube. L’influence musicale orthodoxe y perce jusque dans les ornementations. Anecdote grinçante : lors d’un concours à Saratov, un jeune naïste a perdu… car son instrument sentait trop l’encaustique. Voilà ce que c’est de polir entre deux messes !
Asie et Océanie : paix de bambou en Chine et Polynésie
Moins attendues mais tout aussi fascinantes, les panpipes asiatiques incluent la paixiao chinoise (paixiao ou paixiao) – construite avec 13 à 24 tuyaux de bambou amer. En Polynésie, les flûtes polycalames servaient lors de rituels d’invocation des ancêtres ou pour accompagner le chant diphonique, où la voix dialogue avec le souffle du bambou. Rien n’égale ce tremblement subtil ; j’ai moi-même eu l’impression d’aspirer un cyclone miniature en soufflant sur une panpipe papoue… Résultat ? Un vertige sonore inimitable.
Comparaison organologique : longueurs, nombres de tuyaux, échelles
Région | Nom local | Nombre de tuyaux | Matière | Accord principal |
---|---|---|---|---|
Andes | Zampona/Siku | 13-15 rangées | Roseau/canne | Diatonique |
Europe de l’Est | Naï | 20-24 | Bambou/roseau | Chromatique |
Chine | Paixiao | 13-24 | Bambou amer | Pentatonique |
Polynésie | Valiha/Hula’i | 6-10 | Bambou | Variable/rituel |
Les écarts acoustiques sont tout sauf anecdotiques : le timbre éclate différemment selon la densité du matériau et le diamètre interne ; une zampona rustique vibre comme un troupeau sur l’altiplano quand le naï file vers des aigus quasi électroniques. Voilà pourquoi il est absurde d’enfermer « la » flûte de Pan dans une quelconque case ethnique…
Secrets de fabrication : du roseau sacré au PVC urbain

Choisir la matière : cannelures, densité et mémoire du végétal
Entre le roseau, le bambou et le PVC moderne, les débats font rage – et pas uniquement chez les puristes. Le roseau, matériau originel, se distingue par ses cannelures fines et sa densité vibratoire. Chaque tube garde la mémoire acoustique de sa croissance : la sève, les vents, jusqu’aux blessures d’insectes, tout imprime le timbre. Le bambou est plus graphique, souvent plus dur mais moins souple en réponse. Quant au PVC… il n’a aucune mémoire autre que celle des hydrocarbures ! Après avoir brûlé un éclat de vieux roseau dans mon atelier, l’odeur de cellulose consumée est restée imprégnée pendant des jours – un contraste saisissant avec l’arôme synthétique d’un tuyau plastique.
Art du biseau et calibrage acoustique
La coupe du biseau – on parle ici d’angle chirurgical, pas d’une simple scie sauteuse ! Il faut intervenir au scalpel pour créer la lèvre tranchante qui donnera naissance au souffle vibrant. La pression appliquée modifie le vortex sonore de manière spectaculaire. Les facteurs les plus maniaques affinent au micron près.
Checklist outils indispensables :
- Scie fine à denture japonaise ou fil abrasif
- Lime aiguille (superfine)
- Plaque de ponçage ultra plate
- Calibre numérique (pied à coulisse)
- Cire d’abeille pure pour finitions internes
Ce n’est pas anodin : une micro-bavure suffit à saboter toute la tessiture.
L’accordage : cire d’abeille, silicone ou grains de riz ?
L’accordage relève presque du sacerdoce – Apollon aurait approuvé ! Traditionnellement, chaque tube reçoit une boulette de cire d’abeille, tassée puis sculptée à chaud dans le fond pour ajuster la hauteur. Les chimistes contemporains préfèrent parfois le silicone ou même… des grains de riz cuits (procédé balinais) pour caler temporairement l’accord. Mais attention : seule la cire interagit subtilement avec l’humidité et offre une plasticité durable – là où silicone fige et dénature parfois l’harmonique supérieure.
DIY contemporain : tutoriel express… et ses limites
Fabriquer une flûte de Pan en 20 minutes est une promesse irréaliste. Oui, on peut assembler quelques tubes en plastique selon des tutos clickbait ; non, cela ne produira jamais ce souffle tellurique qui fait vibrer l’échine !
Acoustique et magie du souffle : comment la flûte de Pan chante
Principe du tuyau bouché : physique d’un vortex mythique
Soyons clairs : le secret des flûtes de Pan réside dans ce qu’on nomme le tuyau bouché. Concrètement : la base de chaque tube est fermée – par cire ou par un nœud naturel – ce qui provoque une onde stationnaire avec un nœud acoustique à l’extrémité fermée. Résultat ? Un son une octave en dessous d’un tube ouvert de même taille, et une richesse d’harmoniques jamais égalée sur un simple bambou creux. Lorsqu’on souffle sur la lèvre supérieure, un minuscule vortex s’engouffre dans le tube : c’est littéralement un labyrinthe arcadien miniature, où l’air se perd, se réfléchit, puis explose en vibrations pures.
Retiens ceci : la flûte de Pan transforme l’instinct du souffle en architecture invisible.
Organisation des tuyaux : échelles diatoniques, pentatoniques, chromatiques
La disposition et l’accordage des tuyaux ne relèvent pas d’un caprice folklorique, mais déterminent tout le répertoire accessible. Certaines flûtes privilégient les gammes diatoniques (idéal pour les mélodies pastorales européennes), d’autres les pentatoniques (ambiance rituelle ou asiatique), quelques-unes osent la chromatique (virtuosité roumaine) voire des échelles antiques (mode dorien ou lydien chez les Grecs). Liste éclair :
- Diatonique majeure : limpide, pastoral (Andes)
- Pentatonique anhémitionique : onirique, hypnotique (Chine)
- Chromatique complète : acrobatique, flamboyant (Roumanie)
- Mode dorien antique : nostalgique, archaïque (Grèce)
Le choix façonne l’ambiance plus sûrement que n’importe quelle partition !
Techniques de jeu : legato par roulé de tête, vibrato andin, triple staccato roumain
Nul ne maîtrise la flûte de Pan sans apprivoiser certains gestes-clés. Le legato inimitable s’obtient par un roulé subtil du crâne devant les tuyaux : c’est toute la nuque qui danse ! Le fameux vibrato andin, quant à lui, requiert une micro-secousse abdominale doublée d’un souffle pulsé – essayez-le face au vent du Machu Picchu… attention à ne pas y perdre haleine comme ça m’est arrivé lors d’une aube gélée entre deux pierres sacrifcielles. Enfin le triple staccato roumain combine attaque brève de langue et rebond glottal pour percuter chaque note sans faille.
Pour aller plus loin : initiez-vous à la respiration circulaire pour tisser des phrases ininterrompues — mais sachez-le, trois générations n’y suffiraient pas pour égaler les maîtres sikuris de Puno !
Répertoires et musiques emblématiques
Andes : huaynos, sikuriadas et charangos complices

Dans les Andes, la flûte de Pan ne souffle jamais seule. Elle s’inscrit dans des huaynos haletants où le siku pulse avec les charangos, et s’embrase lors des fameuses sikuriadas. Ici, la polyphonie festive ne relève pas du folklore mais d’une nécessité communautaire : deux ensembles se répondent note à note, inventant un dialogue en « question/réponse » (call-and-response) qui dépasse l’improvisation. Lors d’un festival à Puno — souvenir indélébile : un musicien a craché du sang dans son embouchure sans cesser de jouer, tel un pacte avec le souffle ancestral — la frontière entre soliste et chœur disparaît totalement. Ce tressage vocal-instrumental fait naitre une transe joyeuse : chaque réplique musicale est une lutte fraternelle contre le silence !
Roumanie : doïnas de bergers et duel avec le cymbalum

Il n’y a qu’en Roumanie que la flûte de Pan ose pleurer sur toute l’échelle chromatique. Le doïna — libre, non métrique, d’une expressivité ravageuse — repose sur l’improvisation modale et les ornementations vertigineuses que seul le nai permet (attaques glissées, portamenti étirés jusqu’à l’indécence). J’ai vu Gheorghe Zamfir pulvériser les repères du temps lors d’un duel nocturne avec cymbalum : chaque note semblait flotter hors du réel. ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️ Appréciation émotionnelle subjective du doïna : on y touche ce que la plainte peut avoir de plus noble – ni plainte ni prière mais mémoire hurlée des steppes.
Classique et cinéma : Debussy, Zamfir et l’âge d’or de la B.O.
On croit souvent la flûte de Pan chassée des mondes savants… Erreur grotesque ! Debussy consacre sa Syrinx (1913), pièce-monde dont chaque souffle imite la métamorphose originelle. Au cinéma, c’est Zamfir qui impose l’instrument dans la conscience populaire occidentale : sa sonorité hante littéralement les génériques cultes. Tableaux à méditer :
Œuvre | Compositeur | Année | Particularité |
---|---|---|---|
Syrinx | Claude Debussy | 1913 | Monologue mythologique (flûte solo) |
Il était une fois en Amérique | Ennio Morricone | 1984 | Thème central joué par Zamfir |
La Flûte de Pan (Op.15) | Jules Mouquet | 1904 | Dialogues flûte-piano inspirés d’Ovide |
Kill Bill Vol.1 | Ennio Morricone | 2003 | Sample du thème pan-flûté |
Tariverdiev: Seventeen Moments of Spring | Mikael Tariverdiev | 1973 | Ambiance soviétique atypique |
Expérimentations actuelles : électro-syrinx et looping
La mutation sonore ne s’arrête jamais. Aujourd’hui, artistes comme Dmitry Soul ou des collectifs berlinois triturent la flûte de Pan via loop stations et pédales d’effets ; on trouve même un sample pack « British Museum » où chaque souffle archéologique devient grain électronique pour beatmakers insomniaques !
Entre deux silences, soyons lucides : ce n’est pas trahir l’instrument mais lui offrir mille nouveaux masques — preuve ultime que le mythe continue d’infecter joyeusement notre présent sonore.
Joueurs et joueuses de légende à connaître
Gheorghe Zamfir : du métro parisien aux Oscars

Impossible d’ignorer Gheorghe Zamfir (né à Găești, Roumanie, 1941) si l’on parle flûte de Pan. Il a quitté l’accordéon pour le nai à 14 ans, avant d’imposer ce « simple » instrument sur tous les continents – concerts à guichets fermés au Carnegie Hall, records de ventes jamais égalés chez Philips. Maître de l’émotion pure, il a fait basculer la flûte de Pan des rues de Bucarest aux tapis rouges des Oscars (la B.O. de "Il était une fois en Amérique" n’aurait pas la même saveur sans lui). Anecdote non négociable : je l’ai croisé à Montmartre lors d’une nuit de brume ; il improvisait devant un public flottant entre touristes et ombres. Un billet froissé est tombé dans son étui — il a souri, puis joué une doïna qui a figé le flux du métro. Soyons clairs : c’est par ce genre d’accident poétique que naissent les légendes.
Réponses andines : Los Kjarkas et la relève féminine
On réduit trop souvent la flûte andine à un folklore masculin figé ; quelle méprise ! Los Kjarkas, groupe bolivien mythique fondé en 1965, a transcendé l’instrument collectif avec ses sikus synchronisés comme un essaim d’abeilles ivres. Si la scène reste dominée par des hommes, une nouvelle vague féminine émerge (
Daniela Darcourt ou encore les collectifs mixtes à Lima) : elles bouleversent la tradition sans rien céder à l’énergie polyphonique originelle.
La synergie est totale : lors des festivals sur l’Altiplano, chaque souffle individuel s’efface dans une transe partagée – c’est le clan qui chante, pas l’ego. La relève féminine ne copie pas : elle injecte douceur rageuse et timbre neuf dans le dialogue ancestral.
Virtuoses méconnus : Ukraine, Japon, Polynésie
Nul besoin des projecteurs pour créer le choc ! L’Ukrainien Maksim Popichuk déploie sur YouTube une maîtrise du sopilka (panpipe locale) sidérante : micro-ornements hérités des Carpates, souffle presque chamanique. Au Japon, Motoyuki Niwa redonne vie aux fue polycalamiques dans des rituels shinto oubliés – écoutez-le détourner le répertoire gagaku sur panpipe.
Polynésie ? Le nom de Tua Tane circule sous le manteau chez les ethnomusicologues : ses improvisations enregistrées sur cassette torpillent tout exotisme facile.
Opinion personnelle : faut-il préférer virtuosité ou authenticité ?
Soyons clairs : l’obsession du spectaculaire ruine parfois la substance. La vraie magie surgit là où le geste technique épouse la mémoire collective – et non quand YouTube impose son tempo algorithmique ! Entre deux silences j’ai toujours préféré un souffle tremblant mais sincère à mille notes impeccablement alignées. C’est ce vacillement qui transmet vraiment la poussière des âges.
Apprendre la flûte de Pan aujourd’hui
Choisir son premier instrument : kits, prix, pièges
Soyons clairs : le plus grand piège du débutant, c’est d’acheter un gadget décoratif en plastique soi-disant "ethnique". Pour un vrai instrument d’étude, évitez les modèles touristiques à moins de 30€. Les kits pédagogiques sérieux (roseau ou bambou calibré, tessiture Sol3-Sol5) commencent autour de 60-90€ pour une zampona andine basique ou un naï roumain d’entrée de gamme. Les instruments artisanaux intermédiaires grimpent vite à 180-250€, souvent avec méthode incluse ou housse.
Résumé rapide : fuyez le PVC bas-de-gamme, exigez un certificat du facteur si possible. Le son d’un roseau préparé (même rustique) détrône n’importe quel jouet chinois !
Méthodes d’étude : tablatures, souffles et miroirs
L’apprentissage ne se limite plus au solfège poussiéreux. La plupart des méthodes combinent aujourd’hui tablatures visuelles (schéma des tubes à souffler), exercices vidéo et pratique face au miroir mural pour ajuster la posture et le roulé de tête. Certaines applications permettent un suivi hebdomadaire interactif.
Semaine | Objectif technique | Temps conseillé | Astuce |
---|---|---|---|
1-2 | Souffle stable, Do-Mi | 10 min/jour | Filmez-vous |
3-4 | Enchaînement legato | 15 min/jour | Travail devant miroir |
5-6 | Vibrato andin | 20 min/jour | Utilisez métronome |
7+ | Petites mélodies | 20+ min/jour | Jouez avec playback |
Soyez patient : progresser sur la stabilité du souffle prend des semaines entières – les vidéos YouTube "progress rapides" mentent outrageusement à ce sujet.
Communautés et masterclass en ligne
Ce n’est pas anodin : s’isoler ralentit tout progrès ! Des forums spécialisés regroupent débutants comme virtuoses (groupes Facebook dédiés, voir FluteForum), tandis que des masterclass Zoom ou plateformes comme "Play With a Pro" proposent des cours interactifs avec Mariana Preda ou Teresa Payne. En Roumanie ou sur Discord, des communautés organisent des festivals et défis collectifs où l’écoute mutuelle prime sur la compétition.
Entre deux silences : l’avenir durable de la flûte de Pan

La survie même du souffle panique dépend aujourd’hui d’une lucidité écologique – soyons clairs, perpétuer la fabrication avec des roseaux pillés ou du plastique toxique tient du sabotage culturel. Partout, quelques facteurs visionnaires misent sur des plantations certifiées : roseaux et bambous issus d’agrosystèmes contrôlés, récoltés sans épuiser les sols, certains allant jusqu’à sélectionner les tiges à maturité optimale pour préserver la biodiversité locale. L’essor des flûtes recyclées (anciennes panpipes reconditionnées, matériaux composites biosourcés) prouve que l’innovation n’impose pas forcément une trahison de l’ancestral. À Ayacucho comme à Bucarest, on voit aussi renaître la pratique du troc d’instruments ou l’usage de colles végétales éphémères.
Entre deux silences, la vraie modernité consiste peut-être à réapprendre patience et humilité devant le végétal ; ce n’est pas anodin : chaque souffle transmis porte aujourd’hui une responsabilité, bien au-delà du simple plaisir sonore.