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Instrument à cordes frottées : tout comprendre pour bien choisir

Ce n’est pas un hasard si le violon est surnommé "l’instrument du Diable". Ses 4 siècles d’histoire en font une invention aussi improbable que fabuleuse.

18 min
Les instruments
20 July 2025 à 13h52

Ce n’est pas un hasard si le violon est souvent surnommé "l’instrument du Diable". Ses quatre siècles d’histoire en font une invention aussi improbable que fabuleuse. Mais surtout, un instrument d’une extrême complexité. La moindre imperfection dans sa fabrication peut ruiner son potentiel sonore — et sa valeur marchande. Une réalité parfois cruelle pour les luthiers les moins expérimentés. Alors, quand l’un des luthiers les plus réputés publie une vidéo démontrant qu’un violon à 5 000 € peut sonner aussi bien qu’un modèle à 25 000 €, cela suscite forcément des débats. Voici un éclairage sur ce débat inattendu et tout ce qu’il faut savoir sur les prix des violons.

Quels sont les instruments à cordes frottées ? La liste essentielle

La famille du violon : violon, alto, violoncelle, contrebasse

Dans l’orchestre, la famille des cordes frottées constitue l’épine dorsale sonore. Quatre figures s’y succèdent, chacune déposant sa couleur singulière sur le parchemin de la vibration :

  • Violon : Plage de fréquences ~196 Hz (sol) à 3136 Hz (mi). Sa chanterelle – cette corde la plus aiguë – peut déchirer l’air comme un cri ou le caresser d’un fil soyeux. Le violon détient la mélodie, fouille les cieux du pupitre, et dicte souvent l’émotion collective.
  • Alto : De ~130 Hz (do) à 1046 Hz (la). Plus grave et charnu que son cousin, il trame l’espace entre ciel et terre, distillant une âpreté discrète. Dans l’orchestre, il tisse l’harmonie intérieure, presque modeste mais essentiel; sans lui, tout s’écroule.
  • Violoncelle : De ~65 Hz (do) à 987 Hz (si). Son âme logée dans l’érable vibre large – c’est une gorge humaine. Il porte le souffle grave, lyrique, capable d’invoquer le désespoir ou la consolation en une seule note tenue.
  • Contrebasse : De ~41 Hz (mi) à 349 Hz (fa). Géante au dos voûté, elle épouse les profondeurs et soutient l’ensemble comme une racine invisible.

Niccolò Paganini refusait toute colophane ordinaire pour sa chanterelle fétiche : il exigeait une préparation secrète. On raconte qu’il faisait pleurer les vernis mal posés par la violence de son staccato !

Instrument Plage de fréquences Ambitus
Violon 196–3136 Hz 4 octaves +
Alto 130–1046 Hz ~3 octaves
Violoncelle 65–987 Hz ~4 octaves
Contrebasse 41–349 Hz >2 octaves

Ancêtres et cousins oubliés : viole de gambe, rebec, crwth, cimboa

Lorsqu’on effleure le bois d’une viole de gambe séculaire ou d’un rebec marqué par le temps, un parfum âcre de colophane médiévale s’élève – un mélange poisseux qui poivre la mémoire. Les vernis anciens n’étaient pas tendres ; certains faisaient littéralement « pleurer » l’érable sous le climat humide des châteaux. L’âme y frissonnait autrement !

Viole de gambe entourée d’un rebec et d’un crwth sous lumière chaude
Instrument Siècle d’usage majeur Région Particularité sonore
Viole de gambe XVIe–XVIIIe Europe occidentale Son doux & feutré ; frettes ; jeu polyphonique
Rebec XIIIe–XVe Europe/Maghreb Nasillard ; voix primitive ; trois cordes
Crwth XIIe–XIVe Pays de Galles/Bretagne Accord modal ; son rauque & rustique
Cimboa XVIIIe–XIXe Cap-Vert Unique archet courbé ; timbre grinçant

Cordes frottées atypiques : vielle à roue, arpeggione, baryton…

Il existe ces créatures mécaniques qu’on croirait échappées d’un rêve d’inventeur insomniaque : la vielle à roue, surnommée « machine à drones », hypnotise avec ses bourdons continus. Tournée par manivelle plutôt qu’archet classique — son secret est là ! Jouer longtemps sur la même note jusqu’à la transe…

L’arpeggione, invention éphémère de 1823 (six cordes et des frettes mais jouée à l’archet), fut quasiment oubliée si Schubert n’avait dédié son chef-d’œuvre au grain rêche de cet hybride improbable.
Le baryton quant à lui étonne avec ses cordes sympathiques cachées sous la touche — un orchestre miniature entre les mains d’un seul prince éclairé !

Comment fonctionne un instrument à cordes frottées ?

Rôle décisif de l’archet, de la colophane et du Pernambouc

Impossible d’aborder le cœur vibrant des cordes frottées sans évoquer l’archet – cette baguette à mémoire longue, façonnée par des siècles de savoir-faire et de traditions. Le véritable archet naît avec François Xavier Tourte, horloger enragé devenu sorcier du bois. Il choisit le Pernambouc venu du Brésil colonial, gorgé de sève rougie par les soleils tropicaux et les flux sanguins de l’histoire. Ce bois-là, on ne le remplace pas sans une perte dans la voix : chaque fibre murmure la violence des coupes, le secret des routes maritimes, les marchés d’esclaves.

La colophane, poussière cristalline déposée sur la mèche, n’est jamais neutre non plus ! Sous les tropiques, sa texture devient moite, son parfum s’aiguise – quelque chose d’acide s’infiltre dans le timbre, modifiant l’accroche de l’archet. Un orchestre en Guadeloupe n’aura jamais exactement le même son qu’à Crémone ! Certains violonistes rapportent que leur colophane expédiée « transpire » avant même l’ouverture du paquet…

Le Pernambouc est gravement menacé par la déforestation ; privilégiez toujours un archet en bois certifié ou issu de filières responsables. Un bon archet doit être éthique pour mériter la vibration.

Caisse, âme et éclisses : la physique de la résonance

Loin des discours aseptisés, le violon respire grâce à trois éléments clés – caisse, âme et éclisses – dont chaque déséquilibre peut compromettre la qualité sonore. L’épicéa compose la table d’harmonie pour sa capacité quasi télépathique à transmettre les ondes sur toute la surface. L’érable, dense et nerveux, sculpte le fond et les éclisses pour canaliser l’énergie comme une armure souple.

L’âme ? Minuscule pilier de bois dressé entre fond et table : c’est un funambule qui tient en équilibre toutes les vibrations du monde miniature enfermé sous le vernis. Si elle tombe ou se déplace – tout ricochet sonne faux, toute attaque se brouille ! Une âme mal posée fait suffoquer la chanterelle ; une âme vive anime jusqu’au dernier soupir.

“L’âme vibre comme la respiration secrète d’un arbre fossilisé.”

Techniques de jeu : détaché, pizzicato, ricochet, sautillé

  • Détaché : chaque note dessinée séparément par l’archet ; parfait pour exprimer netteté et lyrisme (écoutez cet extrait).
  • Pizzicato : ici l’archet repose ; doigts pincent directement la corde, produisant un claquement boisé inattendu (voir exemple sonore).
  • Ricochet : archet lancé puis laissé rebondir plusieurs fois sur une corde – comme une pierre sur un étang très ancien (démonstration).
  • Sautillé : rebond rapide et contrôlé déclenché par la souplesse naturelle de l’archet ; technique pyrotechnique réservée aux mains insomniaques (voir sautillé en action).

Anecdote peu glorieuse : certains archets bas-de-gamme refusent obstinément le sautillé si leur cambrure est ratée… Ce n’est pas le musicien qui est maladroit mais bien l’objet qui trahit!

Histoire et lutherie : de Crémone au XXIᵉ siècle

Italie du Nord, XVIᵉ-XVIIᵉ siècles : naissance et standardisation

Tout commence dans les ruelles étroites de Crémone. À l’aube du XVIᵉ siècle, des mains fébriles cisèlent les premiers violons alors que la brume mange les pavés. Andrea Amati, figure fondatrice, observe un instrument suspendu à une poutre de son atelier : le vernis coule comme une larme. Ce n’est pas qu’une question d’esthétique – sous ses couches se joue le destin sonore de l’instrument. Un vernis trop épais ? L’érable étouffe, la chanterelle gémit sourdement – croyance tenace parmi les apprentis !

Atelier de lutherie à Crémone, XVIe siècle, Andrea Amati examinant un violon fraîchement verni

« Le vernis… il fait chanter ou taire la chanterelle, il ne pardonne aucune main lourde. » (Antonio Stradivari, citation apocryphe)

C’est ainsi que naît la tradition crémonaise : chaque geste vise le juste poids du bois, l’équilibre secret entre âme minuscule et éclisse vibrante. Les premiers ateliers appliquent des recettes jalousement gardées ; certains parlent d’infimes ajouts d’ambre ou de résines inconnues.

L’âge d’or de Crémone : Stradivari, Guarneri, Amati

Entre 1550 et 1744 s’ouvrent les portes d’un âge d’or sans équivalent : Amati perfectionne la silhouette délicate du violon, Guarneri affine l’expressivité brute et Stradivari pousse tout cela jusqu’à l’irréel. Dans leurs ateliers saturés d’odeurs âcres et de colophane chaude, une guerre muette se joue – celle du vernis parfait.

Un fait ignoré : plusieurs instruments “ratés” dorment encore dans les réserves des musées — leur voix est morte-née à cause d’un vernis trop lourd. Oui : un simple excès peut suffoquer la chanterelle pour des siècles. Les musiciens superstitieux refusaient parfois de jouer sur ces instruments « éteints »…

La rivalité était féroce; chaque maison protégeait ses secrets mieux qu’un coffre-fort vénitien! Une anecdote persistante veut qu’Agnèsi Guarneri ait camouflé un défaut de vernis sous une gravure dorée… Personne ne l’a jamais confirmé.

Écoles modernes : Mirecourt, Mittenwald, enjeux écologiques du bois

Mais tout culte s’effrite. Au XIXᵉ siècle, Mirecourt (France) et Mittenwald (Allemagne) imposent leurs dynasties artisanales, multipliant modèles classiques et expérimentations timides. Jean-Baptiste Vuillaume devient le sorcier industriel — il réplique Stradivari mais ose aussi l’épicéa alpin fraîchement récolté pour contourner les pénuries.

Aujourd’hui la question vire à l’urgence : Pernambouc pillé jusqu’à l’extinction pour les archets ; érables européens raréfiés par la monoculture et les crises climatiques. Certains luthiers modernes s’essayent à des bois alternatifs — érable ondé du Jura français ou composites éco-certifiés — mais soyons clairs; le puriste grince toujours des dents devant un archet sans Pernambouc véritable.

Archet moderne = responsabilité éthique ! Un bois mal sourcé souille plus qu’il ne sublime ; chaque vibration porte alors un soupçon colonial non élucidé.

Choisir son instrument à cordes frottées : critères, tailles et budgets

Bois & vernis : épicéa, érable, ébène – quand la matière change la voix

S’aventurer dans l’achat d’un instrument à cordes frottées, c’est accepter de plonger les mains dans une alchimie instable. Épicéa pour la table d’harmonie : sa résonance fait naître le timbre, il capte la moindre attaque du pizzicato ou du ricochet. Érable ondé pour le fond, les éclisses, et la volute : il canalise, sculpte la projection. L’ébène, lui, s’incruste sur la touche et les chevilles, inusable – un détail qui change beaucoup dans la tenue sur des décennies.

Mais tout se joue sur le vernis. Un vernis trop lourd : l’érable pleure sous l’étouffement, et la chanterelle se meurt – cette croyance n’est pas que folklore d’atelier, elle se vérifie au fil des siècles. Les luthiers sérieux l’avouent à demi-mot: la moindre erreur peut rendre sourd tout un instrument flamboyant.

Macro vernissage flamboyant érable ondé lumière rasante
Testez toujours l’instrument dans plusieurs pièces avant achat : le vernis réagit à l’hygrométrie. Les surprises acoustiques sont parfois cruelles…

Taille, confort et tessiture : adapter l’instrument au corps du musicien

Un adulte pourrait penser que la taille 4/4 est universelle… mais ce n’est pas le cas ! Une taille mal choisie fausse tout le rapport au geste et fatigue inutilement. Le choix de la longueur de bras prime sur toute autre considération esthétique ; jouez surdimensionné et votre main crie misère dès la première position prolongée.

Taille instrument Longueur bras (cm) Âge indicatif
1/16 35–38 3–5 ans
1/10 39–42 4–6 ans
1/8 43–45 5–7 ans
1/4 46–51 6–8 ans
1/2 52–56 8–10 ans
3/4 57–60 10–12 ans
4/4 (entier) >60 >12 ans/adulte

Un secret rarement avoué : même certains professionnels rognent leur ego pour jouer sur un « petit » alto afin de préserver leur poignet !

Budget réaliste : étudiant, amateur éclairé, professionnel exigeant

Le marché ? Impitoyable. Pour un étudiant : entre 300€ et 700€ en neuf (souvent asiatique), rarement plus vivant qu’un meuble IKEA… À partir de 1000€, on trouve parfois une voix intéressante en occasion ou chez les bons ateliers régionaux ; attention aux lots anciens « restaurés » qui masquent des chirurgies lourdes.
Professionnel exigeant ? En dessous de 5000€, inutile d’espérer un alto ou violoncelle digne des grandes scènes sans lots d’heures d’essais et comparaisons. Certains modèles peuvent exploser à plusieurs dizaines de milliers selon signature du luthier – mais là encore rien n’est garanti : le mythe du Stradivarius endormi n’est pas mort…
Pensez toujours à souscrire une assurance vol/casse, ainsi qu’à effectuer un entretien annuel chez un luthier (coût variable). Le vrai luxe ? Un instrument qui continue à vibrer fidèle après dix hivers, pas celui dont le vernis déjà fêle sous vos doigts !

Entretien, accessoires et longévité de la vibration

Changer ses cordes sans briser l’âme : pas à pas obsédant

Changer les cordes d’un instrument à cordes frottées n’a rien d’anodin. Un relâchement brutal, et c’est l’âme – ce pilier interne invisible – qui vacille ou tombe, condamnant le timbre. Soyez minutieux, presque superstitieux :

Checklist — changement en 5 étapes
1. Desserrer chaque corde très lentement, jamais toutes d’un coup : soulagez la tension petit à petit pour ne pas faire basculer l’âme.
2. Retirer la corde usée avec douceur ; évitez tout geste sec qui ferait sursauter le chevalet.
3. Nettoyer soigneusement le sillet et la touche (poussière de colophane, résidue d’entraînement) – une étape sacrifiée par les impatients.
4. Installer la nouvelle corde en veillant à bien caler la boule/sillette dans sa gorge ; tendez-la lentement jusqu’à obtenir une ligne droite, sans vrilles ni « crispation ».
5. Accorder progressivement chaque corde, en alternant entre elles pour équilibrer la pression sur le chevalet.

Un changement conseillé tous les 6 mois si vous jouez régulièrement ; voire plus souvent pour les professionnels obsédés du grain ! Les joueurs occasionnels peuvent attendre jusqu’à un an – mais au-delà, attention au son « voilé » ou aux fausses harmoniques.

Colophane, épaulière, sourdine : le trio des détails décisifs

La colophane n’est jamais un détail accessoire : elle modèle l’accroche de l’archet sur chaque fibre. Préférez une colophane claire pour violon (plus dure), foncée pour alto/violoncelle (plus adhérente). Mais sous les tropiques… tout bascule : la colophane transpire, ramollit, change d’odeur et de grain – modifiant le timbre! Ceux qui jouent à Dakar ou Pointe-à-Pitre le savent : même la meilleure marque peut tourner aigre…

L’épaulière ? Non, ce n’est pas qu’un confort : elle règle l’inclinaison du corps-instrument et préserve la liberté du bras droit. Évitez les modèles plastiques trop rigides! Cherchez un velours dense et une forme épousant l’omoplate… Le moindre glissement parasite tue la dynamique.

Les sourdines enfin : choisissez-les en fonction de leur usage réel. Métal lourd pour atténuer drastiquement (répétition nocturne), caoutchouc léger pour nuancer subtilement sans tuer toute vibration.

Accessoires essentiels : archets anciens dispersés sur fond sombre, colophane fragmentée, épaulières de velours

Transport, hygrométrie, réparations : survivre hors atelier

Ne faites pas confiance à un vendeur qui prétend que son étui protège de tout ! Les instruments haïssent les extrêmes — sous 40% d’humidité ou au-dessus de 65%, fissures et décollements guettent comme des spectres silencieux. Investissez dans un hygromètre fiable glissé dans l’étui ; ajoutez un humidificateur si vous vivez dans une région sèche (ou chauffée l’hiver).
Quelques catastrophes typiques évitées grâce à ces précautions :
- Un violon laissé quatre heures dans une voiture en plein soleil : éclisses décollées dans un bruit mat sinistre.
- Un violoncelle entreposé près d’un radiateur : une fente nette traversant toute la table d’harmonie — réparation coûteuse et parfois perte de voix irréversible.
- Archet dont le crin se détend par excès d’humidité tropicale — plus aucun ricochet possible jusqu’au séchage complet !

Ne jamais laisser l’instrument dans une voiture en plein soleil : risque immédiat de décollement d’éclisses et perte sonore irréversible.

Cordes frottées en contexte : orchestre, musiques du monde et innovations

Rôle pivot dans l’orchestre symphonique : la mécanique invisible des hiérarchies

Du haut du balcon, l’orchestration des cordes frottées s’étale comme un damier de tensions : violons I à gauche, point d’incandescence ; violons II juste à côté, puis altos (tessiture médiane), violoncelles aux graves sculptés et enfin, tout au fond, les contrebasses, gardiennes souterraines. Il ne s’agit pas de hasard mais d’un équilibre millimétré – chaque section module la pâte sonore, distribue les attaques et les respirations.

Les chiffres oscillent : grand orchestre = 16 premiers violons (souvent le « roi » du pupitre), 14 seconds violons, 12 altos, 10 violoncelles, 8 contrebasses – voilà l’ossature classique. Les compositeurs rusés jouent sur cette hiérarchie pour créer tension ou fusion entre pupitres. La moindre brèche dans ce système ? On entend tout de suite le chaos…

Orchestre symphonique vu du dessus, cordes frottées en éventail (violons I, II, altos, violoncelles, contrebasses)

Les premiers violons forment le sommet – chaque geste scruté par le chef. Mais sans l’assise discrète des contrebasses et l’amalgame subtil des altos… aucune majesté ne tient !

Dialogue interculturel : erhu chinois, esraj indien et gadulka bulgare face au canon occidental

Loin du vernis crémonais ou des archets européens calibrés au millimètre, d’autres traditions affûtent leurs secrets : l’erhu chinois (deux cordes métalliques sur caisse minuscule recouverte de peau), l’esraj indien (mêlant archets et résonateurs sympathiques) ou la gadulka bulgare (triple rangée de cordes dont seule une partie est jouée à l’archet).

L’archet oriental ose la verticalité : l’erhu se pose sur la cuisse et flirte avec l’aigu pleureur, là où le violon occidental s’accroche à la clavicule – posture guerrière ou danseuse selon le répertoire. Sur l’esraj ou la gadulka, l’archet frôle parfois plusieurs cordes simultanément ; on recherche un grain crissant ou plaintif – rien à voir avec la rondeur occidentale. Une vraie question d’approche tactile : colophane locale versus colophane européenne ; densité du crin ; angle d’attaque… Rien n’est transposable sans perte ou transformation.

Instruments à cordes frottées du monde : erhu chinois, esraj indien, gadulka bulgare côte à côte

Avez-vous déjà senti la différence d’odeur quand on frotte une colophane indienne par rapport à un pain allemand ? Essayez… La réponse est dans votre nez avant même que vos oreilles comprennent !

Électrification et cinq cordes : futur fécond ou simple dérive ?

Le marché regorge désormais de violons électriques, souvent dotés d’une cinquième corde pour élargir le spectre vers les graves de l’alto – révolution ou gadget ? Le 3Dvarius imprimé en résine transparente prétend bousculer trois siècles de tradition en quelques clics…

Premier atout : palette élargie pour improvisateur fauché d’ambitions stylistiques ; multi-effets intégrés. Mais qu’en est-il de la chair sonore ? La vibration numérique remplace-t-elle vraiment celle qui traverse cinq centimètres d’épicéa vieilli ?

Partagez votre avis : quelle note d’audace attribuez-vous à cette électrification ?
- ⭐️ : hérésie pure
- ⭐️⭐️ : tolérable uniquement chez les amateurs pop
- ⭐️⭐️⭐️ : curieux mais réservé aux solistes excentriques
- ⭐️⭐️⭐️⭐️ : innovation prometteuse si éthique suivie
- ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️ : indispensable pour survivre au XXIᵉ siècle musical !

L’avenir des cordes frottées passe-t-il par plus de bois rare ou par plus d’électronique ? Et vous… où placez-vous votre écoute ?

Ressources pour aller plus loin sur les familles d’instruments

Pour découvrir la diversité fascinante des instruments, plongez dans des ouvrages de référence et des bases de données riches en informations. Consultez le Guide complet par familles et origines pour naviguer entre lutherie savante, exotismes lointains et anecdotes oubliées. Incontournables :

  • L’Encyclopédie des instruments de musique (Kinsky/Hornbostel), rare mais indispensable pour saisir l’arbre généalogique complet.
  • The New Grove Dictionary of Musical Instruments, démesuré mais précis, pour tout savoir du crwth au baryton.
  • MIMO — Musical Instrument Museums Online, base open source rassemblant des milliers d’instruments documentés en accès libre.

Étagère numérique d’ouvrages anciens sur les familles d’instruments de musique

Conclusion : entre deux silences, la vibration continue

Ce n’est pas dans les notes qu’habite la musique, mais dans l’intervalle tendu du silence — « La véritable musique est le silence et toutes les notes ne font qu'encadrer ce silence. » (Miles Davis). Un vernis de travers fait suffoquer l’érable, la colophane tropicale s’infiltre dans le timbre, et chaque archet en Pernambouc transporte ses cicatrices coloniales : rien n’est neutre.

Entre la peur de faire pleurer la chanterelle et l’éthique des mains, s’invite une écoute — à la fois méfiante et exaltée. Réentendre l’archet suspendu, hésitant entre ombre et lumière, c’est refuser l’indifférence. La vibration continue… même quand tout se tait.

Archet suspendu entre ombre et lumière ; bois usé, reflets marqués.
Instrument à cordes frottées : tout comprendre pour bien choisir

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