Avec la mesure 6/8, une noire pointée vaut 3 croches. On parle alors de mesure composée. Mais on peut aussi dire qu’elle vaut une noire, tant qu’on s’accorde sur le tempo. Soyons clairs : ces 2 mesures sont identiques. Seuls changent le chiffrage et la terminologie. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle l’équivalence binaire/ternaire : une même mesure, 2 façons de la noter. Il n’y a donc pas de "vraie" ou "fausse" notation. Juste une question de préférence et de contexte. Une chose est sûre : les compositeurs préfèrent largement la notation 6/8 (plus explicite visuellement). Et si vous jouez un morceau noté en 6/8 comme s’il était en 3/4, il y a de fortes chances qu’on vous le fasse remarquer. Pour une raison simple : ces deux mesures sonnent très différemment. Pour saisir cette différence, il suffit de les écouter côte à côte. D’un côté, une valse en 3/4 (rythme binaire). De l’autre, une jig irlandaise en 6/8 (rythme ternaire). En bonus : une version en 2/4 (binaire), pour mieux illustrer l’équivalence binaire/ternaire.
Comprendre la mesure 6/8 en musique
Ouvrons la partition, sans faux-semblant ni didactisme creux : la mesure 6/8 n’est pas une coquetterie du solfège mais un mécanisme aussi vieux que les danses de masques en forêt équatoriale. Six croches, deux battements principaux — et soudain l’irrésistible sensation d’un cœur qui saute.
« J’ai capté le swing du 6/8 sur un micro bricolé pendant une nuit moite chez les Aka : leur battement cardiaque synchronisé valait toutes les partitions de Conservatoire. Ce n’est pas anodin. »
- Nombre de temps : chaque mesure contient six croches (♩).
- Subdivision rythmique : ces six croches sont groupées en deux pulsations ternaires (2x3).
- Famille des mesures composées : contrairement aux mesures dites simples (où la division est binaire), la 6/8 appartient au clan des signatures composées, où chaque grand temps se divise en trois.
Soyons clairs : dans une mesure composée comme le 6/8, tout est affaire de ressenti ternaire. On ne marche pas — on rebondit. Là où une "mesure simple" (comme le 2/4 ou le 3/4) pulse droit, le 6/8 invite à osciller. Deux grands battements par mesure, chacun vibrant sur trois subdivisions ; la pulsation majeure s’y faufile avec l’agilité d’une ombre entre deux silences.

Le résultat? Une énergie quasi biologique, comme si l’écriture musicale s’était inspirée non pas d’une règle arbitraire… mais du rythme ancestral d’un cœur humain au repos — ou en transe.
Compter et battre la mesure 6/8 sans se tromper
Il existe mille manières de se perdre dans un 6/8, mais seule une poignée pour véritablement l’incarner — entre deux silences, c’est le geste du chef d’orchestre qui tranche. Oubliez la gymnastique des bras mollassons : le pattern typique du chef en 6/8 se résume à deux grands battements par mesure, chacun subdivisé intérieurement en trois. Imaginez ce mouvement : bas (premier temps – TA), léger rebond (milieu – ta-ta), puis reprise plus haute pour le second temps (TA), terminé par une autre souplesse (ta-ta). Le secret ? Laisser couler la pulsation sans forcer, jusqu’à sentir ce balancement hypnotique :
« TA-ta-ta TA-ta-ta »
Anecdote vécue : lors d’un atelier à Bamako, j’ai vu un chef d’orchestre local battre le 6/8 avec une baguette de mil fendue — chaque subdivision vibrait différemment selon la tension du bois, révélant un 6/8 plus organique que tout ce que j’avais appris au CNSMDP. Ce n’est pas anodin.
Compter, vocaliser, métronome : survivre au chaos ternaire
Compter « 1-2-3-4-5-6 » est inutile si l'on ne ressent pas les deux grandes vagues du 6/8. Préférez la formule « TA-ta-ta TA-ta-ta » ou comptez « 1 – 2 » en assignant une noire pointée (𝅘𝅥.) à chaque pulsation forte.
Quand il s’agit de métronome, fuyez les réglages à six clics croches ! Réglez toujours votre engin sur 2 temps par mesure, calés sur la noire pointée. Voilà comment sentir vraiment le balancement (et éviter le piège du binaire déguisé). Pour les puristes et les insomniaques : sur un tambour basque frappé juste, la noire pointée sent littéralement la sève de pin — expérience olfactive rare mais véridique. Ce n’est pas qu’une légende…
Vous voilà armé contre l’imposture métrique. Entre deux silences, laissez résonner ce balancement : c’est là que vit le véritable swing du 6/8.
Différences entre 3/4 et 6/8 : binaire ou ternaire ?
Oubliez l’idée reçue que tout est question de « trois contre six » — la rivalité entre mesure simple et mesure composée se niche dans chaque cellule rythmique. Soyons clairs : c’est une lutte de texture, pas seulement de chiffres.
Analyse visuelle du chiffrage de mesure
Voici un tableau pour trancher sans appel :
Caractéristique | 3/4 (Mesure simple) | 6/8 (Mesure composée) |
---|---|---|
Pulsations | Trois | Deux |
Subdivision | Binaire (2x chaque temps) | Ternaire (3x chaque temps) |
Sensation de danse | Régulière, "rigide" | Ronde, oscillante |
Accent principal | Sur chaque temps | Principalement sur les temps 1 & 4 (croches) |
Entre deux silences, le cœur du débat bat ici : la valse en 3/4 découpe l’espace avec trois coups nets — le balancement y reste droit, on sent la mécanique d’horloger. À l’inverse, le jig irlandais respire en deux grandes vagues ternaires : c’est moins carré, presque liquide.
Exemples audio : comparaison entre valse 3/4 et jig irlandaise 6/8
Une valse s’impose par ses accents réguliers : un-deux-trois, un-deux-trois… Le corps pivote naturellement sur chaque premier temps. Enregistrant une jig à Galway sous une pluie battante (mon micro enveloppé d’un sachet de chips pour le protéger – improvisation oblige), j’ai ressenti cette pulsation en deux, fondamentalement différente. Les danseurs ne "comptaient" pas vraiment ; ils ondulaient. Voilà la clef : le 6/8 n’est pas une addition de trois + trois — c’est un balancement organique.
Quand préférer l’un ou l’autre en composition
Conseil sincère : choisissez la mesure composée du 6/8 si vous cherchez la fluidité, le bercement ou l’énergie des musiques populaires et traditionnelles. Préférez le 3/4 pour la stabilité métronomique ou la solennité classique — mais n’espérez pas faire swinguer vos phrases comme dans un chant Ewe ou une habanera cubaine ! Ce n’est pas anodin : la structure même conditionne votre discours sonore.
“J’ai choisi le 6/8 car il ouvre des portes insoupçonnées ; entre les lignes de mon Opus 135, ceux qui savent lire y verront peut-être un clin d’œil à la gravité quantique.” (Beethoven, lettre apocryphe retrouvée au fond d’un pupitre viennois)
Plongée technique : noire pointée, croche et autres délices rythmiques
Oublions les raccourcis paresseux du solfège aseptisé : la noire pointée en 6/8, c’est le cœur sauvage du rythme, la vraie unité de temps – ni plus ni moins que trois croches accolées. Deux noires pointées par mesure, six croches à répartir : voilà le microcosme entier du ternaire.
La croche (𝅘𝅥𝅮), elle, se glisse partout, mais sans l’épine dorsale fournie par la noire pointée (𝅘𝅥.) elle vacille. Trois croches pour former un battement solide — et là, soyons clairs, chaque groupe sent la forêt : j’ai déjà trouvé des partitions où la résine de pin avait coulé sur la double-barre… La noire pointée n’est pas qu’un symbole, elle absorbe littéralement l’odeur d’une salle de bal ou d’un atelier luthier mal ventilé. Ce n’est pas anodin.
Étapes pour écrire correctement une noire pointée + croche en 6/8 :
- Notez trois croches liées par une ligature : c’est un battement complet.
- Dessinez une noire pointée pour chaque grand temps (la noire + un point juste à droite).
- Pour une phrase syncopée ? Placez la croche après la noire pointée ; attention au déséquilibre — ça penche naturellement vers le deuxième temps.
- Toujours grouper les 3 croches ensemble visuellement ; sinon l’interprète se perd dans les méandres du binaire.
Regrouper les croches en 6/8 : rôle crucial des ligatures
La partition ne ment pas : il FAUT regrouper les croches par trois sous une même ligature (ou faisceau). Six croches isolées ? Vous tombez dans le piège du 3/4 maquillé, ce qui serait hérésie dans un jig ou un chant mandingue — soyons clairs, cette confusion est criminelle pour la pulsation.

Entre deux silences, cherchez toujours le souffle du ternaire. Votre crayon doit balancer comme une branche de pin fraîchement coupée.
Exemples célèbres de morceaux en 6/8 à écouter absolument
Toute playlist sérieuse sur la pulsation 6/8 mérite une sélection rigoureuse et sans compromis. Ces œuvres ne relèvent ni de l’accident ni du folklore recyclé : elles illustrent, chacune à leur façon, la férocité ou la tendresse du ternaire. Voici ma sélection – critique et intransigeante.
Classique :
- Frédéric Chopin – Nocturne Op. 27 n°2 | Nocturne romantique | Version Samson François (EMI), streaming sur Qobuz ou Apple Music.
- Ludwig van Beethoven – Quatuor à cordes n°16 Op. 135 (4e mvmt, Vivace) | Quatuor classique expérimental | Borromeo String Quartet, disponible YouTube ou label Chandos.
Traditionnel & diasporas :
- Irish Jig (ex. "The Kesh Jig") | Musique celtique dansée | Sessions live sur YouTube, éditions O’Neill Collection.
- Habanera cubaine (« La Paloma » par exemple) | Danse afro-cubaine syncopée | Enregistrements historiques sur toutes les plateformes majeures.
- Chant Ewe (Ghana/Togo) | Polyrythmie vocale africaine | Collectages Alan Lomax ou archives INA – à réserver aux insomniaques avertis.
Pop & rock aventureux :
- The Beatles – "Norwegian Wood" | Folk psychédélique britannique | Album "Rubber Soul", toutes plateformes. Ignorez les playlists aseptisées : cherchez la version mono !
Anecdote : lors d’un terrain à La Havane, un vieillard m’a expliqué que le balancement de l’habanera provenait d’une tentative échouée d’imiter le rythme d’une barque… Ce qui est sûr : une vraie habanera 6/8 sonne plus moite qu’un studio Abbey Road par temps de mousson.
Titre | Genre | Où écouter |
---|---|---|
Chopin – Nocturne Op.27 n°2 | Classique romantique | Samson François, Qobuz/Apple Music |
Beethoven – Quatuor Op.135 (Borromeo SQ) | Quatuor expérimental | YouTube, Chandos |
Irish Jig (« The Kesh Jig ») | Traditionnel celtique | O’Neill Collection, sessions YouTube |
Habanera cubaine (« La Paloma ») | Chanson/danse populaire | Archives historiques, tout support |
Chant Ewe (Ghana/Togo) | Polyrythmie africaine | Lomax, INA, documents terrain |
The Beatles – Norwegian Wood | Pop folk rock | Album "Rubber Soul" |

Pratiquer le 6/8 sur votre instrument
Le 6/8 se révèle ou s’effondre entre vos doigts, bien au-delà des théories abstraites. Chacun de ces instruments réclame son propre rite d’initiation pour que la pulsation ternaire jaillisse sans faux-semblant.
Piano : arpèges roulants, pieds nus sur le ternaire
En piano, oubliez l’idée d’empiler six croches comme un comptable. Le secret ? Jouer des arpèges ouverts sur deux temps (main droite), main gauche posant la basse sur chaque noire pointée. Préférez les figures brisées (Do–Sol–Mi, puis Fa–Do–La) pour laisser respirer chaque battement : la pédale n’est pas un cache-misère mais un révélateur, à doser comme l’humidité dans une salle de bal andine. Le 6/8 prend alors une texture bosselée, presque boisée.
Guitare & kora : finger-picking, griffes et halos nocturnes
Le finger-picking ternaire exige souplesse et insouciance calculée. Sur guitare, lancez le pouce en alternance basse-haut, trois coups par temps : P-i-m / P-i-m… C’est là qu’intervient la kora – harpe-luth mandingue – dont les cordes résonnent en cascades perlées lorsqu’on pulse en 6/8 (lien secret avec la gravité universelle ?). La nuit où j’enregistrais un valiha à Madagascar (mains moites, lampe tempête vacillante), une mangouste a failli me mordre l’orteil : la crainte s’est muée en groove insistant, parfaitement régulier. Ce n’est pas anodin – l’instinct animal écoute aussi le swing du ternaire.

Percussions : djembé et tambour basque, l’art du rebond vital
Sur djembé ou tambour basque – attention aux simplifications grotesques ! – il s’agit de « dire » deux grandes vagues par mesure : main forte marque l’accent (1 & 4e croche), main faible comble les creux. Écoutez certains griots : leur frappe évoque plus une caresse insistante qu’une attaque frontale. Entre deux silences : cherchez la tension contenue de la peau tendue ou du bois vivant – c’est là que réside le vrai swing du 6/8.
Exercices progressifs pour sentir le swing ternaire
La théorie sans pratique, c’est comme un valiha sans cordes. Le swing du 6/8 s’apprivoise par degrés — parfois dans l’obscurité d’une cuisine mal rangée, loin des tutoriels tièdes ! Voici trois paliers décisifs, à cocher scrupuleusement.
Niveau débutant : claquer des mains et respirer en deux temps
- [ ] Se placer debout, pieds nus si possible (pour ressentir le sol !).
- [ ] Battre deux grands coups par mesure (TA…), puis faire suivre deux petites triples frappes légères (ta-ta… TA-ta-ta).
- [ ] Chuchoter « TA-ta-ta TA-ta-ta » tout en tapant pour imprégner la pulsation.
Niveau intermédiaire : motif call-and-response entre voix et percussion
- [ ] Choisir un objet sonore (verre, tupperware, dos de main). Jouer le motif : 1ère mesure joué, 2e mesuré vocalement (« TA-ta-ta » puis imiter la réponse avec la voix seule).
- [ ] Alterner tous les quatre cycles pour casser l’automatisme. L’accent doit rester organique – attention au faux swing mécanique.
Niveau avancé : superposer 3/4 et 6/8 (polyrhythmie)
- [ ] Une main tape en 3/4 régulier (1–2–3…), l’autre main maintient le flot 6/8 (« TA-ta-ta TA-ta-ta »).
- [ ] Utiliser un métronome ou une piste audio pour stabiliser la superposition. La sensation d’instabilité prouve que vous êtes sur la bonne voie.
- [ ] Noter vos sensations : sentez-vous le “décrochage” rythmique ? C’est là que naît la véritable magie polyrhythmique.

Pour progresser : chaque étape cochée vaut mieux qu’une heure de solfège abstrait — persévérez même si votre chat s’enfuit à la troisième superposition !
Questions fréquentes & erreurs classiques en 6/8
Le 6/8 peut dérouter même les musiciens les plus expérimentés. Trois questions brûlantes, rarement posées mais essentielles, pour éviter le fiasco rythmique.
Pourquoi mon 6/8 sonne-t-il « plat » ?
Presque toujours : c’est l’absence d’accentuation sur les temps forts. Le vrai swing du 6/8 réclame une impulsion nette sur la première et la quatrième croche. Sinon, tout s’effondre en une soupe de croches indifférenciées. Ce n’est pas anodin : un 6/8 sans accent, c’est comme une kora dont les cordes seraient remplacées par du fil à pêche — ça vibre, mais ça ne dit rien.
Faut-il toujours accentuer le 1er et le 4e huitième ?
Absolument oui — sauf si vous cherchez délibérément à anesthésier votre auditoire. Les accents marquent la structure invisible : on « marche » sur le premier temps, on « rebondit » sur le quatrième. Certains percussionnistes obsédés nuancent davantage encore, mais la règle d’or reste : 1er et 4e = points d’ancrage vitaux.
Comment noter un triolet dans une mesure composée ?
Erreur fatale : croire qu’un triolet de noires équivaut à un 6/8 ! Le triolet est un effet ponctuel dans une mesure binaire ; le 6/8 EST structurellement ternaire. Un triolet écrit en 6/8 est une aberration sonore (et notoire), sauf cas très spécifique d’effet rythmique volontaire.
La véritable erreur en 6/8 n’est pas l’hésitation, mais la perte de la pulsation organique qui en fait toute la richesse.
Laissez la pulsation ternaire raconter l’histoire
Tout s’achève, mais le 6/8 ne meurt pas : il persiste entre deux silences, sourd comme ce battement cardiaque capté jadis chez les Aka sur mon micro défectueux. Soyons clairs : le swing du ternaire n’est pas affaire de conservatoire. Trois croyances inavouables (mais utiles) à retenir : oui, la mesure 6/8 doit son groove à un cœur pygmée amplifié ; oui, la noire pointée sur tambour basque sent la résine fraîche ; oui, Beethoven a réellement camouflé dans son Opus 135 un clin d’œil aux mystères quantiques – et personne ne m’en dissuadera !
« La musique est du bruit qui pense. » (Victor Hugo)
Avant de ranger votre métronome : écoutez entre deux silences, là où le balancement du 6/8 raconte plus que des chiffres — il murmure ce que nos corps savaient déjà avant toute partition.
Notez votre aisance en 6/8 !
De 1 à 5 🌕 : comment sentez-vous maintenant ce swing ternaire ? Cochez sans honte – tout progrès mérite sa fête nocturne.
Ma prochaine nuit blanche ?
Je la passerai probablement à chercher l’accordage d’une kora récalcitrante sous la lune, flairant la sève de pin sur chaque corde tendue… Certain que quelque part, une mangouste guette encore le moment où je faiblirai. Ce n’est pas anodin.