J’ai joué de la guitare pendant 15 ans, jusqu’au jour où je suis tombé sur la kora. Depuis, je me consacre à cet instrument fascinant. Je porte toujours une bague en ivoire de guerre de Toumani Diabaté comme talisman. J’ai failli me faire mordre par une mangouste pendant un enregistrement de valiha. Mon premier essai de kora s’est terminé par une corde qui a explosé en plein concert. Et je continue de m’émerveiller chaque jour devant ce que la musique nous permet de vivre. Cet article est le guide le plus complet sur cet instrument hors-norme : son histoire, ses joueurs, sa fabrication, et bien plus.
Kora : présentation et caractéristiques essentielles
Difficile à croire, mais c’est un matin d’harmattan que j’ai entendu la première vibration d’une calebasse polie sous la paume du korafola ; et depuis, je n’ai jamais pu me déprendre de cette obsession pour l’architecture sonore de la kora. Cet instrument mandingue – harpe-luth unique à l’Afrique de l’Ouest – ne supporte aucune approximation dans sa définition. Il s’agit d’un assemblage intransigeant de tradition, de virtuosité et d’innovation organologique.
Définition et classification de la kora
La kora est classée comme une harpe-luth à caisse sphérique, née au cœur du Mali mais adoptée jusqu’aux confins du Sénégal et de la Guinée-Bissau. Son timbre fluide traverse trois octaves, se jouant exclusivement par les griots (djéli) qui perpétuent des généalogies musicales ancestrales. Elle fascine par sa structure hybride qui refuse toute étiquette simple :
- Harpe : cordes tendues perpendiculairement à la peau sur un chevalet mobile.
- Luth : manche central traversant la caisse, fixation des cordes par anneaux ou mécaniques modernes.
- Typologie sonore : polyphonie, motifs entrecroisés, gammes heptatoniques spécifiques aux traditions mandingues.
Nombre de cordes et disposition (21 cordes)
La configuration traditionnelle repose sur 21 cordes, réparties symétriquement autour du manche. Ce nombre mystérieux renvoie probablement aux clans fondateurs du Mandé. Certains korafolas innovent en ajoutant une ou deux cordes supplémentaires (notamment en Casamance), élargissant ainsi le spectre modal et rendant hommage à des lignées oubliées – si tant est qu’il existe encore des secrets dans l’Empire Mandingue.
Modèle | Nombre de cordes | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|---|
Kora classique | 21 | Respect tradition, équilibre modes | Limité dans certains modes |
Kora étendue | 22+ | Plus grande palette modale | Moins « pure » pour certains |

Morphologie : calebasse, manche, chevalet
La morphologie d’une véritable kora n’accepte aucune concession : une massive demi-calebasse évidée (40 à 60 cm) sert de caisse. Un long manche rond en bois keno traverse verticalement la calebasse. Le chevalet (bato), pièce maîtresse taillée dans un bois noble africain sans nœud, assure le maintien précis des cordes et permet le fameux timbre miroitant caractéristique.
« La calebasse résonne comme un tambour poli par les générations de korafolas. »
Certains orgues occidentaux ont tenté d’imiter cette alchimie mais restent ridicules… Rien n’égale la peau parcheminée tendue sur la calebasse d’une vieille famille griotte !
Origines et histoire de la kora en Afrique de l’Ouest
On ne se laisse pas facilement troubler par les chronologies officielles, mais la kora mérite bien ses disputes d’historiens ! Les premières traces tangibles remontent au XIXe siècle parmi la caste des griots mandingues, même si quelques esprits obsessionnels évoquent déjà la fédération Kaabu et ses intrigues musicales du XVIIIe. Née entre Mali et Gambie actuelle, l’instrument s’est répandu dans une zone qui ignore superbement les frontières coloniales : Sénégal, Guinée-Bissau, Casamance… La légende raconte qu’une femme-génie aurait caché la première calebasse chantante dans les grottes de Kansala. Miraculeuse ou non, la diffusion s’est accélérée grâce aux migrations et alliances politiques des empires mandingues.
Rôle des griots et transmission orale
Le griot – ou korafola – n’est pas un simple musicien : il est détenteur du sang social (djéliya), passeur exclusif du répertoire et gardien d’une mémoire vivante qui refuse tout archivage poussiéreux. J’ai assisté à plus d’une veillée dans le Mandé : transmission à voix basse, gestes mimés sur le manche poli, héritiers sélectionnés selon des codes secrets… L’apprentissage se fait par imprégnation et répétition obsédante. Certains griots m’ont confié que seule l’oreille, jamais la partition, permettait d’accéder à l’âme du répertoire – ce qui explique sans doute pourquoi aucune intelligence artificielle n’a encore été adoubée korafola !
⭐⭐⭐⭐⭐
Évolution du statut social du korafola
Longtemps cantonnés au cercle fermé de la cour royale ou des grandes familles, les korafolas sont aujourd’hui projetés sous les projecteurs mondiaux. De conteurs-historiens itinérants à véritables stars internationales – il suffit d’avoir vu Toumani Diabaté enflammer une salle occidentale pour mesurer le basculement. Si certains puristes crient à la trahison devant la modernisation stylistique (et l’usage honteux de mécaniques chromatiques…), impossible de nier que l’aura sociale du joueur de kora a atteint une notoriété jadis inimaginable.
Fabrication et matériaux de la kora
Personne ne m’a jamais dit que la calebasse rêvait d’être kora. Pourtant, dans chaque atelier, il y a cette odeur âcre du bois raclé, des copeaux qui s’accrochent aux doigts. La sélection du fruit – ce n’est pas un hasard ! – relève d’un flair quasi divinatoire : il faut une gourde géante, sans fêlure, récoltée en lune descendante pour éviter le cri aigu des fibres.
Sélection de la calebasse et préparation de la caisse
On ne choisit pas la calebasse au marché comme on achète une tomate… Voici les vraies étapes, que les guides enjolivent trop souvent :
- Sélection : vérification de l’épaisseur (ni trop dense ni poreuse), absence de crevasses, test sonore par percussion.
- Découpe : ouverture manuelle avec lame courte pour préserver le galbe naturel, le diamètre dépend du timbre attendu.
- Ponçage : abrasifs naturels ou verre poli ; attention à ne pas affiner jusqu’à fragiliser la structure !
- Traitement : séchage lent à l’ombre plusieurs semaines pour éviter toute moisissure — étape trahie par les « touristes » pressés.

Peau de vache et tension : l’art du barrages
La pose de la peau est tout sauf anecdotique. Seule une peau de vache adulte correctement tannée garantit ce grondement feutré recherché par les korafolas. Je me suis retrouvée un jour face à un vieux maître qui jaugeait l’épaisseur au doigt mouillé avant de trancher net : « Pas plus fine que ta propre langue si tu veux que ça chante ». L’art du barrage – ces baguettes intérieures tendues sous la peau – module le microclimat sonore de la caisse. C’est là que se joue la poésie du bois, sa vibration singulière…
Type de peau | Épaisseur | Sonorité |
---|---|---|
Vache (adulte) | 2-3 mm | Ronde, profonde |
Chèvre | <2 mm | Plus sèche, criarde |
Veau/veau fin | 1 mm env. | Fragile, peu stable |
La justesse du barrage n’admet aucune approximation — c’est lui qui fait parler les esprits !
Cordes, anneaux et mécaniques modernes
Là où je me sens toujours tiraillée : l’évolution fulgurante des cordes et systèmes d’accordage. Traditionnellement en boyau animal (ou cordelette artisanale), elles sont aujourd’hui majoritairement en nylon calibré. Les anneaux en cuir étaient jadis rois : difficile à régler mais absolument inimitables pour le glissement modal ! Les mécaniques importées (guitare ou harpe) séduisent par leur précision… mais alourdissent l’ensemble et déstabilisent parfois tout l’équilibre acoustique.
Mon avis sur l’intégration des mécaniques dans la tradition mandingue
Les mécaniques ? Un progrès technique indéniable… mais insuffisant pour convaincre tous les puristes (dont moi). Elles facilitent l’accord rapide sur scène (utile quand une corde explose en plein concert comme ce fut mon cas tragique…) mais banalisent le geste ancestral et brisent ce jeu subtil entre pouce et anneau hérité des griots pionniers. Pour moi, rien n’égale le frisson archaïque d’une kora aux anneaux patinés par cinq générations.
Technique de jeu et accordage de la kora
Jamais je n’oublierai la sensation de la première corde vibrante sous mes pouces engourdis : se tenir face à une kora, c’est défier le confort moderne et l’académisme occidental. On s’installe à même le sol ou sur un tabouret bas, calebasse serrée entre les genoux, dos droit (mais jamais raide — gare aux crampes !), l’instrument penché vers soi. Les deux pouces agrippent vigoureusement les montants latéraux du manche, tandis que les index pincent les cordes en alternance. Les autres doigts restent suspendus, presque inutiles, comme pour conjurer toute tentation de virtuosité gratuite. La main droite attaque les aigus, la gauche module les basses : un équilibre instable qui ne pardonne aucune distraction.
✔ Installation corps
✔ Position des pouces
✔ Placement des mains
Gammes heptatoniques et styles régionaux
La kora n’a jamais toléré l’uniformité musicale : chaque région conserve ses gammes heptatoniques distinctes, vestiges d’alliances féodales et d’initiations secrètes. Citer Mamoudou Dramé ici n’est pas une coquetterie : il a su pousser la recherche microtonale jusqu’à l’obsession !
- Tomora Ba (Mali) : Mode majeur enrichi, proche du tempérament occidental mais avec intervalles « flottants ». Son préféré des Diabaté.
- Sauta (Sénégal/Gambie) : Échelle ancienne basée sur Si bémol, explorant des couleurs modales inimitables à la cour de Sine Saloum.
- Hardino (Guinée) : Mode mineur heptatonique, notoirement instable, avec des notes modulables en direct selon le chant du griot.
Mamoudou Dramé aurait déclaré après une session : « La vraie gamme n’existe que dans la gorge du korafola… pas sur le papier. »
Accordage traditionnel vs mécaniques
Là où le débat devient franchement houleux voire ridicule : l’accordage traditionnel s’effectue par anneaux en cuir glissés sur chaque corde — procédé lent, exigeant une oreille affûtée et beaucoup de patience ! Le son obtenu est organique, mouvant… mais susceptible aux caprices du climat. Les mécaniques modernes (copies de guitares parfois mal montées) offrent une précision trompeuse et séduisent par leur rapidité — surtout en concert quand tout explose sous vos doigts (croyez-moi…). Mais à chaque tour de clé métallique disparaît un fragment du vieux rituel griotique ; impossible pour moi d’y voir un progrès sans perte.
L’accordage authentique ? Un acte quasi mystique, loin des gadgets chromés imposés par la scène occidentale.
Répertoire et grands joueurs de kora
Tentez d’imaginer une salle obscure, l’air saturé de sons filigranés où la kora tisse autant qu’elle démantèle les certitudes rythmiques. Je l’affirme sans ambages : le répertoire mandingue n’a jamais appartenu à l’éther académique mais à la sueur des griots et à leur capacité rare à provoquer l’oubli du temps !
Les traditions mandingues et répertoires ancestraux
La transmission du répertoire s’effectue sans partitions, uniquement dans la chair et la mémoire des korafolas. Les pièces maîtresses – "Kelefa Ba", "Sauta", "Tomora Ba", "Simbo", pour ne citer que les plus entêtantes – se déclinent en variantes quasi inépuisables. Chaque famille modifie subtilement mélodies et ornements selon sa propre histoire, ce qui a rendu fou plus d’un collecteur européen venu chercher LA version authentique (spoiler : elle n’existe pas).
Le vrai héritage est celui qui s’oublie puis se réinvente chaque nuit sous les doigts du korafola.
Attention : certains airs sont réservés aux cérémonies hautement codifiées (baptêmes, funérailles, alliances royales). Hors contexte, ils perdent tout pouvoir ; un piège que la world music n’évite quasiment jamais…
Toumani Diabaté et la modernisation du style
Impossible de contourner le nom de Toumani Diabaté, figure quasi mythologique. Il a pulvérisé les frontières entre tradition et expérimentation : polyrythmies sidérantes, phrases ciselées comme des chants d'oiseaux ivres, collaborations foisonnantes (de Björk à Ali Farka Touré). Son influence est telle que porter une bague en ivoire ayant appartenu à Toumani Diabaté relève presque du fétichisme rituel… Je la garde sur moi lors de chaque session critique en studio : c’est mon vaccin contre les arrangements banals et les compromis sonores.
Senny Camara et les voix contemporaines
Mais qu’on ne s’y trompe pas : la nouvelle génération dynamite littéralement les codes. Senny Camara incarne cette insurrection douce : première femme sénégalaise propulsée au rang de korafola soliste, elle injecte dans la tradition un souffle vocal vibrant – parfois même des effets électroniques subtils ou des textes engagés sur sa propre migration. Son jeu hybride rappelle que la kora n’a jamais cessé d’être un territoire politique.
Un détail oublié par les documentaires : certains korafolas actuels osent improviser avec des gammes importées (pentatoniques, maqâms arabes…) ou intégrer des pédaliers d’effets analogiques. L’establishment crie au sacrilège – mais moi ? J’applaudis toute initiative qui bouscule la poussière patrimoniale.
Choisir, acheter et entretenir sa kora
Étrange paradoxe : on croit souvent que les instruments traditionnels se choisissent à l’instinct, au flair d’esthète — alors qu’en réalité, le choix d’une kora authentique exige une vigilance quasi paranoïaque. C’est un domaine où l’arnaque exotique prospère et où le moindre détail trahit le sérieux d’un luthier.
Critères de choix : authenticité et dimensions
La vraie sélection commence par la calebasse : écartez toute caisse trop légère ou trop régulière, signes d’une production industrielle. Il faut s’obstiner à chercher les calebasses bossues, aux nervures irrégulières. L’épaisseur de la peau (2-3 mm pour la vache adulte) doit être vérifiée ; si le timbre sonne plat ou strident lors du test en magasin, passez votre chemin ! Un bon manche de kora ne doit jamais vibrer indépendamment du corps — c’est un défaut fatal ignoré des vendeurs peu scrupuleux.
Critère | À rechercher | À éviter |
---|---|---|
Calebasse | Bossue, épaisse, séchée lentement | Lisse, mince, industrielle |
Peau | Vache tannée, tendue sans rides | Chèvre/veau, froissée |
Manche (bois) | Bois africain dense (keno) | Bois tendre ou verni |
Cordes | Nylon calibré/tressé main | Fils synthétiques basiques |
« Si une kora ne vibre pas dans vos genoux dès la première note grave — fuyez-la ! »
Pour les dimensions : une caisse de 45 à 55 cm convient à la plupart des adultes. Les modèles enfant devraient être construits sur mesure… mais qui s’en soucie vraiment hors des familles griotes ?
Fourchette de prix et lieux d’achat recommandés
Il faut renoncer aux marketplaces globalisées. Privilégiez :
- Les ateliers reconnus de Bamako ou Ziguinchor (rarement présents en ligne)
- Quelques boutiques spécialisées (Kora-Manding-Harps, Baragnouma)
- Les festivals africains où les luthiers exposent leur travail et acceptent la négociation directe.
Prix indicatifs :
- Kora artisanale « entrée de gamme »: 400–600 € (compromis possibles sur la calebasse)
- Modèle professionnel joué par des korafolas reconnus : >1000 €, voire bien plus si décorations ivoire incrusté ou mécaniques sur mesure.
- Location possible dans quelques ateliers pour débutants méfiants !
Anecdote inattendue sur l’achat…
J’ai acheté un jour une kora censée avoir appartenu à un chef griot sénégalais. Après examen minutieux, j’ai découvert… une marque gravée "Made in Italy" sous la peau de vache — comme quoi même un ethnomusicologue doué peut se faire avoir !!

Entretien régulier : nettoyage et réglages
Une véritable kora déteste l’humidité autant que l’air conditionné occidental. Rangez-la dans une housse en tissu épais ; évitez absolument les étuis plastiques qui font "transpirer" la peau. Nettoyez régulièrement la calebasse avec une éponge douce légèrement imbibée d’eau citronnée – jamais de solvants industriels ! Les cordes doivent être changées tous les deux ans maximum (ou dès qu’elles craquent comme lors d’un concert mémorable).
Le réglage des anneaux demande doigté et patience : chaque anneau doit glisser fermement sans forcer ni décrocher toute la gamme heptatonique – un art perdu chez certains apprentis pressés.
Les mécaniques modernes exigent aussi graissage périodique. Mais rien ne remplace le contrôle hebdomadaire du chevalet par un œil expérimenté — je ne compte plus les fois où j’ai détecté à temps un effritement invisible qui aurait tué tout sustain !
Répertoire et grands joueurs de kora
Les traditions mandingues et répertoires ancestraux
Les griots mandingues n’ont jamais laissé dormir la poussière sur leurs histoires : la kora accompagne chants guerriers, récits fondateurs et louanges dynastiques. Ces pièces sont transmises par imprégnation, dans l’ombre des veillées, loin de toute partition. Impossible d’ignorer la puissance évocatrice de morceaux comme "Kelefa Ba" ou "Simbo" : ils célèbrent les victoires, pleurent les disparus et tissent le souvenir des alliances royales. Les griots modulent à l’infini chaque motif – un répertoire vivant, jamais figé ni figé – où la moindre inflexion est une signature familiale jalousement gardée.[Kora, joyau musical de l'Afrique de l'Ouest]
L’héritage mandingue : il ne s’archive pas, il s’incarne chaque nuit sous la calebasse.
Toumani Diabaté et la modernisation du style
Toumani Diabaté a pulvérisé tous les carcans : héritier d’une lignée séculaire du Mali, il a jeté la kora dans le grand bain du jazz international (collaborations avec Björk, Ali Farka Touré…), osant toutes les polyrythmies délirantes. Sa recherche sonore – entre tradition nue et fusions électriques – a redéfini la virtuosité du korafola moderne. Anecdote vraie : je porte toujours une bague en ivoire de guerre ayant appartenu à Toumani Diabaté comme talisman, persuadée qu’elle protège mes sessions critiques des compromis mous. Lui seul pouvait transformer un chant archaïque en architecture sonore inédite sans jamais céder aux gadgets des arrangeurs occidentaux.
Senny Camara et les voix contemporaines
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Senny Camara dynamite le club fermé des korafolas : première femme sénégalaise à renverser cette tradition masculine, elle injecte dans la kora une voix brûlée par le blues mais ancrée dans le Mandé. Son afro-folk-blues fusionne textes engagés (sur sa propre migration) et effets électroniques subtils — sans jamais trahir le phrasé ancestral. Elle impose un espace où solidarité, unité et inventivité se conjuguent au féminin : ses improvisations font chavirer autant les festivals européens que les veillées mandingues. [Source : https://sennycamara.com/]
Choisir, acheter et entretenir sa kora
Les fausses koras pullulent, mais dénicher un instrument authentique relève presque de l’espionnage ethnomusicologique. Largeur du manche, densité du bois, galbe irrégulier de la calebasse et finition du chevalet sont les critères qui séparent le chef-d’œuvre de la pacotille industrielle. Fuyez toute kora « trop parfaite » : le manche doit s’insérer sans jeu dans la calebasse, la peau tannée (vache épaisse uniquement) doit sonner sourdement au test du doigt, et le chevalet ne doit présenter aucun vernis synthétique (scandaleux mais courant !). Pour les puristes : privilégier la caisse bossue d’un atelier mandingue.
Fourchette de prix et lieux d’achat recommandés
Évitez absolument les plateformes généralistes : une vraie kora artisanale se négocie entre 600 € et 1400 € dans les ateliers Bamakois, Ziguinchorois ou boutiques spécialisées (Baragnouma, Kora Manding Harps). Sur les marchés maliens ou sénégalais, vérifiez chaque détail avant tout paiement – j’ai vu passer des koras « du Mali » frappées d’un discret Made in Italy…
Entretien régulier : nettoyage et réglages
La maintenance est un art oublié : peau sèche nettoyée à l’eau tiède citronnée (jamais de solvants !), huilage sommaire du manche en keno tous les deux mois, cordes changées dès le moindre effilochage. Le chevalet réclame inspection hebdomadaire ; la retension des cordes doit rester progressive sous peine de fêlures irrémédiables. Prendre garde aux variations d’humidité — c’est le pire ennemi des caisses mandingues.

Conclusion : pourquoi la kora fascine toujours
Impossible de capturer la kora en une formule — elle glisse entre les doigts comme la poussière rouge du Mandé. Dans son histoire, s’entrelacent résistances feutrées et innovations risquées, tissage d’une mémoire insoumise. Sa sonorité ? À la fois torrentueuse et cristalline, capable de réveiller les fantômes des griots ou d’embraser une scène contemporaine. Voilà ce qui m’obsède : la kora, c’est l’incarnation vivante de la culture mandingue, un cri lumineux contre l’oubli.
S’approcher d’une kora, c’est tutoyer des siècles d’audace, de transmission, de magies minuscules.
Écoutez Toumani Diabaté, Senny Camara ou perdez-vous dans un atelier improvisé – même si une mangouste menace pendant l’enregistrement ! Tentez le jeu du pouce et de l’index sur 21 cordes : aucun effet numérique ne remplace le vertige de ce contact brut.
Pour aller plus loin dans votre exploration (et pour éviter les pièges du folklore mondialisé), découvrez notre Instrument africain : guide complet.
