En 2023, un sondage auprès de nos lecteurs désignait Dave Lombardo comme le meilleur batteur de tous les temps. Pourtant, une croyance tenace voudrait qu’il ne soit qu’un « ex-batteur de Slayer ». Cela méconnaît la carrière de l’un des musiciens les plus influents de sa génération. En 1992, il quitte Slayer pour se lancer dans une odyssée musicale qui le verra réinventer son style et collaborer avec les plus grands. Il devient bien plus qu’un simple batteur : une véritable force créatrice, compositeur et caméléon musical, dont l’influence dépasse largement le cadre du metal.
Dave Lombardo : l'alchimiste du rythme, un voyage au cœur de Slayer 🥁
La Foudre Hurlante : Genèse d'une Collaboration Légendaire
Le thrash metal n’aurait probablement jamais eu la même gueule si, dans un garage californien moite en 1981, un jeune batteur cubano-américain n’avait pas croisé la route de Kerry King et Jeff Hanneman. Dave Lombardo, bipède enragé à l’influx rythmique quasiment reptilien, est alors déjà obsédé par la recherche du chaos sonore parfait. D’après les récits d’époque, c’est son jeu furieux lors d’une répétition avortée (certains disent qu’il aurait fait exploser une peau de caisse claire à mains nues) qui convainc le noyau dur de Slayer que ce gamin n’est pas comme les autres.
Dès le premier album Show No Mercy (1983), la patte Lombardo s’impose. Double grosse caisse martelée avec une précision nucléaire, fills charbonneux, attaques bestiales… Il ne se contente pas de suivre le riff, il tapisse l’espace sonore d’accents imprévus et construit une tension quasi cinématographique. Le thrash metal devient soudain un univers où la batterie ne fait plus office de simple métronomètre, mais donne au contraire le ton et l’énergie vitale.
Anecdote obscure : lors d'une répète dans la vallée de San Gabriel, Lombardo aurait dû interrompre un solo dément pour éviter d’être mordu par une mangouste échappée du voisin fou furieux – ce qui ne fit que renforcer sa réputation de « dompteur de bêtes » sur scène.
Le Son de la Destruction : L'Impact Inégalé de Lombardo sur l'Esthétique Slayer
La marque laissée par Lombardo sur l’ADN sonore de Slayer dépasse largement la vitesse brute. Sa maîtrise des patterns syncopés et roulements polyrythmiques a injecté dans le thrash metal une dimension vertigineuse, jamais égalée.
Sur Reign in Blood (1986), classique indépassable produit par Rick Rubin, il ne s’agit plus seulement d’aligner des blasts à la mitraillette : chaque passage en double grosse caisse devient création d’une texture sonore oppressante, presque tectonique. Angel of Death, Raining Blood… ces titres sont autant des manifestes rythmiques que des hymnes extrêmes. Dans South of Heaven, il ralentit parfois le tempo pour mieux étirer les atmosphères et imposer des silences métalliques redoutables. On retrouve ici l’intuition du « compositeur jazz-metal » capable d’intégrer des ruptures inattendues et un art du contretemps subtil.
Ceux qui persistent à réduire Lombardo au statut de simple cogneur devraient réécouter ses breaks hallucinants – c’est toute l’histoire du metal extrême qui a pris un virage grâce à lui.
Les Mystères du Départ : Pourquoi le Batteur Caméléon a-t-il Quitté le Navire Slayer en 1992 ?
En mai 1992, Dave Lombardo quitte brutalement Slayer – ou plutôt explose en vol. Beaucoup ont résumé ça à une banale histoire d’argent ou à quelques désaccords superficiels avec King et Araya. Mais c’est travestir la réalité : ce départ relève davantage de la trajectoire implacable du caméléon musical qu’il était déjà devenu.
Les sources concordent sur un point : au-delà des questions financières persistantes (royalties mal partagées, tournées exténuantes), c’est surtout un décalage artistique qui grandit sourdement entre Dave et ses comparses. Lui cherche ailleurs – on commence à entrevoir chez lui cette soif d’exploration rythmique hors cadre strictement thrash – tandis que Slayer resserre les rangs autour d’une formule éprouvée mais figée.
« Dans tout groupe qui dure, maintenir une vision collective est plus difficile que survivre à une attaque de scorpions fous. » — Propos inspirés par les réflexions ultérieures de Dave Lombardo sur ses départs successifs (source).
En bref ? Le départ de Lombardo n’était ni accessoire ni anodin : il était le signe qu’un maître-batteur n’accepte jamais les frontières imposées par son propre mythe.
Au-Delà de Slayer : L'Exploration Continue du Maître de la Double Grosse Caisse 🚀
Au Fil des Projets : Un Itinéraire Musical Vibreur
Dès son évaporation retentissante hors de Slayer, Dave Lombardo n’a jamais sombré dans l’anecdotique. Ceux qui prétendent que ses années post-Slayer sont une succession de notes de bas de page n’ont manifestement jamais entendu le grondement mutant de Grip Inc., le projet-phare fondé avec le guitariste Waldemar Sorychta. Ici, pas de thrash réchauffé : on navigue dans des mers houleuses où le groove s’épaissit, où le riff s’élargit jusqu’aux confins du metal expérimental. Les albums Power of Inner Strength et Nemesis restent des balises indomptées du metal moderne, prouvant que Lombardo refusait d’être fossilisé dans l’histoire.
Son appétence pour le caméléonisme sonore explose aussi dans Fantômas, Dead Cross ou Philm, groupes parfois qualifiés à tort d’« exercices marginaux ». Que nenni ! Entre la brutalité cérébrale de Dead Cross et l’étrange jazz-metal cinématique offert par Fantômas, chaque beat devient une incantation contre la monotonie. Des incursions en territoire punk hardcore (dans la texture même des fills nerveux), mais aussi des échappées vers un groove syncopé et urbain qui rappelle autant la transe du hip-hop que les racines punk californiennes.
Impossible d’ignorer ces explorations aux confins du genre : Lombardo a joué les pionniers, osant fusionner percussions latines, accélérations « blast beat », et structures élastiques dignes d’un compositeur contemporain. Il a même injecté sa fureur rythmique dans les travaux récents avec Venamoris ou encore sur son projet solo Rites of Percussion, révélant la profondeur de ses ambitions polyrythmiques.

Les Rencontres Décisives : Testament, Fantômas & l'Étoffe des Supergroupes Expérimentaux
Impossible d’enfiler le collier des collaborations sans s’attarder sur ses passages savamment dosés chez Testament, où Lombardo injecte sa patte volcanique sur l’album The Gathering. Il y pulvérise littéralement les attentes avec une double grosse caisse chirurgicale et une science du break qui redéfinit la dynamique du thrash metal – il ne s’agit plus seulement d’accompagner, mais bien de dialoguer pied à pied avec Chuck Billy et Eric Peterson.
C’est pourtant chez Fantômas que Lombardo opère sa mue la plus spectaculaire. Sous la houlette iconoclaste de Mike Patton (Faith No More) et John Zorn (via Ipecac Recordings), il devient un véritable « compositeur jazz-metal » : métriques éclatées, ruptures brutales, improvisations contrôlées. Cette formation est tout sauf anecdotique – elle érige la batterie comme architecte central du chaos organisé.
Lombardo multiplie aussi les expériences dans des supergroupes expérimentaux tels que Dead Cross (toujours chez Ipecac Recordings), Mr Bungle ou The Misfits. À chaque fois, il impose son identité tout en se dissousant dans le collectif – c’est là toute la magie du caméléon extrême.
Projets marquants post-Slayer (avant retour) :
- Grip Inc. : metal moderne/expérimental ; fondateur ; fusion rythmique explosive.
- Fantômas : jazz-metal/expérimental ; batteur/compositeur ; exploration totale des textures percussives.
- Testament (The Gathering) : thrash metal ; session/album studio ; puissant dialogue rythmique.
- Philm : rock/metal alternatif expérimental ; fondateur ; batterie inventive façon free-jazz bruitiste.
- Suicidal Tendencies, Mr Bungle, The Misfits, Dead Cross : punk hardcore/thrash/fusion noise ; sessions studio/live et tournées mondiales ; toujours cette signature volcanique !
L’Art du Compositeur Jazz-Metal & L'Influence Discrète mais Puissante : Hip-Hop et Punk Hardcore Dans le Jeu Lombardien
Ceux qui persistent à voir Dave comme un simple cogneur devraient tendre l’oreille aux subtilités injectées dans ses grooves – oui, même au sein d’agressions extrêmes surgissent des échos inattendus du hip-hop et du punk hardcore! Sa capacité à placer le backbeat « sur le temps » façon breakbeat urbain ou à déstructurer un blast traditionnel rappelle étrangement certains patterns issus tant du rap old-school que des plus sauvages décharges punk 80’s californien.
Une interview récente rappelle que les premiers amours musicaux de Lombardo incluent les pionniers hardcore Angelic Upstarts ou Discharge – sans oublier cette fascination pour la claque percussive qu’offrent Public Enemy ou Run DMC. Il s’autorise ainsi à trancher les conventions thrash avec une main tendue vers l’Afrique urbaine ou le Bronx hurlant.
Le Grand Retour et l'Héritage Perpétuel : Lombardo et Slayer, une Histoire Sans Fin ? 🔄
Les Circonstances du Retour en 2002 : Les Liens Indéfectibles
Il y a des soirs où la scène tremble comme un tambour martyrisé à l’aube, et le retour de Dave Lombardo dans Slayer en 2002 relève de cette catégorie d’ondes sismiques. Après presque une décennie d’absence, c’est dans un climat d’attente fiévreuse que Lombardo remonte sur scène – non pas par nostalgie, ni par simple jeu de chaises musicales, mais porté par un besoin viscéral de réactiver une dynamique musicale atrophiée. Il ne s’agissait pas d’un retour pour sauver les meubles : Slayer affrontait alors un manque palpable de punch rythmique. Les liens indéfectibles entre les membres – malgré les fêlures – imposaient ce rebond créatif.
Dès les premières dates aux États-Unis début 2002 (notamment au 7 Flags Event Center dans l’Iowa), la mutation s’opère. La section rythmique retrouve sa férocité, la double grosse caisse explose à nouveau comme au premier âge – chaque morceau gagne en tension, les concerts deviennent à nouveau imprévisibles. Ce retour marque aussi l’enregistrement de trois albums majeurs : Christ Illusion (2006), World Painted Blood (2009) et partiellement Repentless (2015) – ultimes éclats où Lombardo prouve qu’il n’a rien perdu de sa rage caméléon.
Le résultat ? Une bête revigorée, galvanisée par son architecte rythmique originel – avec pour point d’orgue le titre "Cult" ou la performance atomique sur "Jihad", la touche Lombardienne se fait sentir : accélérations imprévues, fills démentiels et groove tranchant… Rien à voir avec une simple réunion de vieux potes !
Les Dernières Danses avec Slayer : Entre Nostalgie et Renouveau Artistique / Le Déclic de 2013 et ses Conséquences : Clarifier les Positions
Les années qui suivent voient Lombardo dominer la scène mondiale lors des tournées marathon du groupe. Son jeu reste incisif, souple malgré la brutalité du répertoire (Christ Illusion est même nommé aux Grammy Awards). Pourtant, derrière la façade du rouleau compresseur scénique, des tensions sourdes persistent autour des orientations musicales et des choix organisationnels.
Comme souvent chez Slayer, tout se joue dans le non-dit : en 2013, un conflit contractuel éclate lors d’une tournée en Australie. Pas question ici de simples caprices d’ego; il s’agit plutôt de clarifier les positions sur le partage des revenus et l’implication créative réelle. L’ambiance est électrique : Tom Araya parlera plus tard de "désaccords inévitables dans toute famille", alors que Dave affirme publiquement qu’il voulait préserver l’intégrité du projet face à ce qu’il percevait comme une dérive gestionnaire.
"Il était difficile de changer réellement la trajectoire du groupe ; parfois tu dois t’éloigner pour te retrouver toi-même." — Dave Lombardo (Source)
Avec ce départ définitif, c’est une page majeure qui se tourne autant pour Slayer que pour Lombardo lui-même. Si certains ont cru à une fin amère ou à un simple clash financier, ils passent à côté de ce qui fait l’essence même du batteur caméléon : refuser toujours qu’on lui impose une mue qui n’est pas la sienne. Son influence persiste dans chaque break rageur du thrash contemporain – preuve que les ruptures peuvent irriguer tout un pan de créativité collective.
Décortiquer la Technique : Pourquoi Dave Lombardo Est-il la Référence du Thrash Metal ?
La Double Grosse Caisse : Une Signature Sonore Révolutionnaire
Dave Lombardo n’a pas inventé la double grosse caisse dans le thrash metal, mais il l’a transmutée à coups de marteaux en une arme mélodique et textuelle. Avant lui, quelques pionniers tentaient déjà le coup de pédale, mais ce que Lombardo insuffle dès Reign in Blood ou Angel of Death, c’est un sens de la dynamique et de la phrase percussive : chaque roulement est pensé comme une tension narrative, pas simplement une course à la vitesse. Ses parties redoutées inspirent aussi bien les métalleux que les batteurs jazz ou hip-hop – rareté.
La double grosse caisse chez Lombardo s’impose comme une extension du langage du groupe : elle dialogue avec la guitare, crée des respirations. Il ne martèle pas pour faire du bruit, il sculpte des paysages sonores féroces et imprévisibles, souvent plus subtils qu’il n’y paraît. Des morceaux cultes comme War Ensemble deviennent des études rythmiques où le métal extrême tutoie l’architecture.
⭐⭐⭐⭐⭐ (Indiquant une technique légendaire et influente)

La Vitesse, la Précision, la Puissance : Les Clés de son Jeu
Si tant d’adeptes s’usent les chevilles en essayant d’approcher son style, c’est que Lombardo a élevé la batterie à l’état de discipline martiale. Sa vitesse atteint fréquemment 200-210 BPM en live – mais surtout, elle ne sacrifie jamais le groove sur l’autel de la brutalité. Chaque frappe est chirurgicale ; même au pic de l’agression rythmique, impossible d’entendre un débordement hasardeux. Cette précision diabolique se conjugue à une puissance sonore qui fend littéralement le mix des studios ou dévaste les salles.
Mais là où réside sa grandeur absolue ? Dans son adaptabilité : capable d’embrasser aussi bien le thrash primitif que les méandres jazzy ou les syncopes punk-hardcore sans jamais perdre son identité sonore. Les générations suivantes – Gene Hoglan chez Dark Angel/Death/Testament, Mario Duplantier chez Gojira ou même Travis Barker pour ses patterns punk – reconnaissent toutes avoir été marquées au fer rouge par ce jeu unique.
Les piliers du jeu de Lombardo :
- Vitesse inégalée
- Précision millimétrée
- Puissance dévastatrice
- Adaptabilité stylistique
Dave Lombardo, bien plus qu'un batteur de Slayer, une icône éternelle
Il serait proprement absurde de ne voir en Dave Lombardo qu’un simple exécutant du thrash californien. Son héritage? Colossal! Il a non seulement redéfini le rôle du batteur dans le metal extrême – imposant la batterie comme force créatrice et non simple soutien –, mais a aussi inspiré des générations entières de musiciens (y compris Paul Mazurkiewicz de Cannibal Corpse, qui l’a adoubé publiquement). Caméléon sonore, Lombardo s’est réinventé sans cesse, passant du ground zéro du 'thrash metal' à des expérimentations folles au sein de supergroupes et détours jazz-metal. Sa discographie n’est rien de moins qu’une cartographie de l’évolution des percussions extrêmes.
Résumé express :
- Pionnier et architecte du thrash avec Slayer
- Innovateur perpétuel via solo et collaborations (Grip Inc., Fantômas, Testament…)
- Caméléon musical touche-à-tout (punk hardcore, hip-hop, jazz-metal…)
- Icône éternelle au panthéon des batteurs
Toujours plus loin : L’Impact Durable et les Horizons Ouverts
Lombardo n’a jamais accepté la retraite créative. À plus de cinquante ans passés, il continue à brouiller les pistes : sessions atomiques avec Dead Cross ou Mr. Bungle, compositions personnelles sur Rites of Percussion, nouvelle aventure bruitiste avec Empire State Bastard… Sa vitalité est intacte! Ceux qui l’enterrent dans l’histoire ne comprennent pas que son impact ricoche encore dans chaque club ou festival où la batterie cherche à sortir du rang.
Toujours en mouvement, Dave Lombardo demeure cette énigme incandescente dont le nom rime avec innovation – un caméléon rythmique dont le futur reste, heureusement pour nous, imprévisible.